vendredi 10 juillet 2009

Obama et la Palestine

par Jeff Robbins, pour Wall Street Journal

Titre original : Obama and Palestine


Traduction : Objectif-info




La prise de distance de l’Administration avec Israël va probablement renforcer ceux qui croient que le soutien américain à ce pays peut s’achever.
Dans son nouvel ouvrage, « Un état, deux États : une solution au conflit israélo-palestinien » l’historien Benny Morris raconte l'histoire funeste du refus palestinien d’accepter véritablement Israël en tan qu’État juif au cœur d’un Moyen-Orient uniformément musulman. Morris a étudié le rejet permanent des Palestiniens en particulier et des Arabes en général d'une solution à deux état. Ce refus signale-t-il a été "la volonté constante des dirigeants palestiniens… dans toute l'histoire de leur mouvement national jusqu’à nos jours.


Naturellement, le refus des responsables politiques palestiniens, des universitaires et du clergé de s’engager à accepter un État juif pour toujours à côté d'un État palestinien est à la fois un sale petit secret, et un énorme gorille de 800 livres au milieu de la pièce quand la discussion s’engage le conflit israélo-palestinien.


Comme le note Morris, les Palestiniens ont donné pendant plus de 80 ans la preuve "persuasive" qu'ils ne veulent pas d’état juif dans la région, quelles que soient les frontières, et quelle que soit la politique poursuivie par tel ou tel gouvernement israélien en matière d’implantations. Le rejet palestinien d'un état juif quel qu’il soit n'est pas l’un des thèmes récurrents du conflit, mais son thème dominant. C’est ainsi que dans les années 30, les Palestiniens ont rejeté une solution à deux états qui aurait créé un état juif sur moins de 20 pour cent de la Palestine. Dans les années 40, les Palestiniens ont rejeté le plan de partition des Nations Unies qui aurait créé un état juif sur moins de la moitié des terres cultivables de la Palestine. De 1948 à 1967, alors qu’Israël n'était en aucune façon présent à Gaza, en Cisjordanie, ou à Jérusalem-Est, les Arabes n'ont pas créé d’état palestinien. Après la guerre 1967, quand Israël a accepté la formule de la terre contre la paix dans la résolution 242 de l'ONU, le monde arabe, Palestiniens compris, l'a rejetée. En 2000, quand Israël a soutenu un plan proposé par le Président Clinton qui aurait créé un état palestinien indépendant avec Jérusalem-Est pour capitale, Gaza dans son intégralité et pratiquement toute la Cisjordanie, les Palestiniens l’ont aussi rejeté, et au lieu de l’approuver ils ont déclenché une campagne d’attaques à la bombe qui a tué 1.100 Israéliens et occasionné aussi en conséquence la mort de 4.000 Palestiniens.


Et en 2006, quand Israël a retiré unilatéralement de la Bande de Gaza, par la contrainte, des milliers d’habitants des implantations, tirant un trait sur toute présence juive, les Palestiniens ont répondu en tirant des roquettes contre les centres de population civile israélienne. Ils mettaient ainsi Israël face au choix détestable de laisser un nombre toujours plus grand de ses civils sous le feu des tirs de fusée quotidiens, ou d’entrer à Gaza pour mettre un terme à ces attaques au prix de pertes inévitables dans la population locale. De son coté, la direction du Hamas qui avait assassiné nombre de ses opposants et achevé la prise de contrôle militaire de Gaza, était plus que satisfaite d’échanger des centaines de vies palestiniennes contre une vague de critiques internationales d’Israël, conséquence prévisible de ses efforts pour protéger ses civils contre les tirs de fusées.


Récemment, Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne à déclaré au Washington Post que les Palestiniens avaient rejeté une fois encore une solution à deux états. Abbas a raconté au Post que l'ancien premier ministre Olmert lui avait récemment offert un état palestinien indépendant avec la totalité de Gaza, une capitale à Jérusalem-Est et 97 pour cent de la Cisjordanie. Abbas a catégoriquement rejeté cette offre une fois de plus. "L’écart était trop grand" a dit Abbas sans plus de précision.


En attendant, Abbas a refusé de reconnaître Israël comme un état juif, expliquant au Post qu'il préférait laisser le temps faire son œuvre, sûr que les pressions américaines et internationales sur Israël affaibliraient sa position future. "En attendant," a dit Abbas " les choses vont bien en Cisjordanie… le peuple a une vie confortable." Et la semaine dernière, en dépit de nombreuses nouvelles difusées dans les médias occidentaux selon lesquelles le Hamas était en train de « modérer » sa position sur Israël, ce dernier a informé l'ancien président Carter, dont la crédulité sur ce conflit est une source d’émerveillement, de ce qu’il a déjà fait savoir clairement : il ne reconnaîtra jamais le droit d’Israël d’exister, quelques soient les circonstances.


Le problème c’est que tout cela coïncide avec des vues conformistes de plus en plus hégémoniques : elles se ramènent à l’idée que ce sont les implantations israéliennes en Cisjordanie qui sont l'obstacle à la paix entre les Palestiniens et des Israéliens. En dépit du tableau dressé d’une façon si convaincante par Morris, c'est l’interprétation qui est défendue avec une grande vigueur par les partisans des Palestiniens en Occident. Et cela alors même que ces mêmes Palestiniens ont proclamé sans beaucoup de discrétion qu’en fait le problème avec Israël n'a rien à voir avec les implantations, mais tout avec son existence qui demeure inacceptable trois générations après sa fondation.


Morris caractérise d'une manière plutôt élégante les, oscillations du discours populaire palestinien qui prêche la modération tout en continuant de refuser le droit d’Israël d’exister au prix "d’élisions, de fourberies et d’imprécisions." Il pourrait le décrire avec moins de ménagement comme l’expression d’une propension au mensonge. Néanmoins, la ligne officielle, c’est que ce sont les implantations israéliennes qui sont le problème, et la réticence du premier ministre Netanyahou à les démanteler est l’obstacle fondamental à la paix. Dans certains milieux on adhère à cette vision comme à l’Évangile : c’est le cas de plus en plus parmi les démocrates. Comme Dennis Ross et David Makovsky l’ont écrit en le sous-estimant dans leur nouveau livre, Mythes, illusions et paix : une nouvelle orientation pour l'Amérique au Moyen-Orient, "ceux qui sont à gauche… tendent à faire l’impasse sur l'opposition idéologique à l’existence d’Israël."


Pour les démocrates qui ont voté pour Barack Obama, et qui observent avec inquiétude l'encerclement d'Israël par des forces fanatiques bien armées qui ont fait le serment de le détruire, la façon dont le président a traité le premier ministre Netanyahou à l'occasion de leur première rencontre a provoqué un certain malaise. L’Administration Obama a mis le doigt sur les implantations israéliennes et s’est focalisée sur elles seules, minimisant l’importance du refus palestinien. Elle a organisé des fuites pour faire savoir au monde le peu de respect elle témoignait au dirigeant d’Israël nouvellement élu. Et le vice-président Biden a ostensiblement admonesté les défenseurs d'Israël lors d’une conférence récente de l’AIPAC. On doit considérer tout cela comme des éléments d’un plan délibéré pour impliquer le monde arabe dans le processus de paix en montrant que la politique américaine vis-à-vis d’Israël a changé. En partant de là, on peut considérer la façon dont Obama a écarté du bras Israël comme l’équivalent diplomatique d'un Je Vous Salue Marie destiné à améliorer la situation désespérée du président Abbas, à le renforcer, lui et les autres modérés relatifs pour persuader les masses arabes d’accepter enfin un état juif.


Naturellement, plutôt qu’un renforcement de la stature des modérés, plutôt qu’une réduction de l'influence de ceux qui disent ouvertement qu’ils veulent la disparition d'Israël, la manœuvre de l'administration Obama risque bien d’avoir l'effet opposé. Le discours que les Palestiniens professent en Occident où ils acceptent une solution à deux états est indéniablement accompagné d’un discours à leur peuple où ils lui assurent qu’ils refuseront d'accepter cette solution, et il ne semble pas qu’il y ait là-dessus une évolution significative, comme Morris le précise.


La prise de distance intentionnelle de l’Administration vis-à-vis d’Israël va renforcer ceux qui ont toujours cru, et qui continuent de croire, qu’avec le temps, le soutien de l’Amérique à Israël peut s’étioler et avec lui la capacité d’Israël de survivre. Dans le monde arabe, ceux qui considèrent que c’est effectivement le cas, et il y en a beaucoup, penseront que l’insistance de l’administration américaine qui souhaite être "un courtier loyal" est la preuve qu’enfin, le soutien américain à Israël a commencé à s’éroder. Pour eux, ce n’est qu’une question de temps et il n’est pas nécessaire de feindre d’être intéressés par une solution à deux états. Si c’est exact, l'administration Obama, en voulant bien faire, aura porté par inadvertance un coup sérieux aux perspectives de paix au Moyen Orient.



M. Robbins a été membre de la Délégation des États-Unis à la Commission de droits de l'homme des Nations Unies à Genève pour le compte de l'administration Clinton. Il est actuellement avocat à Boston.
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