mardi 21 avril 2009

Guerre froide au Moyen-Orient



Par YAAKOV LAPPIN


Le Caire et le Hezbollah sont officiellement entrés dans une guerre médiatique. Depuis quelque temps, la presse égyptienne et des responsables du gouvernement insultent clairement le groupe chiite, allant jusqu'à comparer son leader Hassan Nasrallah à un singe.

D'après le quotidien égyptien Al-Ahram, l'Egypte dénonce un "axe aux objectifs malsains" composé de l'Iran, de la Syrie, du Qatar et du Hamas, qui conspireraient contre le gouvernement Moubarak.

Cette guerre des mots a éclaté à la suite de la découverte d'une cellule du Hezbollah qui fomentait des attentats sur le sol égyptien. Selon l'Egypte, elle prévoyait aussi de commettre des attentats en Israël.

De son côté, la presse iranienne accuse Israël, l'Egypte et l'Arabie Saoudite de vouloir assassiner Nasrallah.

Cette réalité géopolitique est toute nouvelle : jusqu'à présent, Israël était seul face à ses voisins arabes. Mais les velléités hégémoniques iraniennes, ainsi que son programme d'armes nucléaires, perturbent autant Israël que les Etats arabes sunnites comme l'Egypte, la Jordanie, l'Arabie Saoudite ou l'Autorité Palestinienne.

L'Iran affiche le but déclaré de détruire Israël avec l'aide des milices situées aux frontières d'Israël qu'il utilise également pour nuire à certains régimes arabes comme l'Egypte.

Ces récents développements n'ont pas mis fin à la rhétorique anti-israélienne et antisémite présente dans les médias des pays arabes membres de la ligue anti-iranienne.

Le seul nouvel élément est l'apparition d'une rhétorique hostile entre certains pays arabes et l'Iran, à l'instar de celle existante entre l'Egypte et le Hezbollah.

Ces derniers mois, le président égyptien Hosni Moubarak et la presse égyptienne ont condamné les objectifs iraniens de contrôler la région. Le Caire a également dirigé ses critiques contre les alliés de l'Iran - le Hamas et le Hezbollah - pour être entrés en guerre à deux reprises contre Israël ces trois dernières années.

Pendant ce temps, l'enclave du Hamas à Gaza, largement dépendante de Téhéran, subit le blocus israélo-égyptien.

L'Arabie Saoudite, berceau du sunnisme, a prononcé des mises en garde contre la menace émanant de son voisin chiite dans le golfe Persique.

En mars dernier, le ministre saoudien des Affaires étrangères, le prince Saoud al-Fayçal, a même condamné la "provocation" iranienne.

En réponse à ces attaques, l'Ayatollah Ahmed Khatami - un proche du guide suprême Ali Khamenei - a délivré un sermon télévisé où il déclarait que l'hostilité saoudienne envers la Perse historique s'était substituée à l'opposition saoudienne envers Israël.

Cela ne semble pas exagéré outre mesure.
C'est dans ce contexte qu'il faut comprendre l'Initiative de paix saoudienne, promettant la reconnaissance complète d'Israël et la normalisation des liens avec les pays arabes en échange d'importantes concessions territoriales.
Cette offre est loin de plaire à la République islamique.

Partout au Moyen-Orient, les mouvements et les Etats des deux camps rivaux se font face.
Le peuple palestinien est lui même divisé en deux entités hostiles : le Hamas soutenu par l'Iran et le bloc Fatah arabe sunnite, soutenu par Israël et les Etats-Unis.

Toute réconciliation Hamas-Fatah doit passer par celle des forces qui les soutiennent respectivement pour avoir une chance d'aboutir.
Une partie de la gauche israélienne croit même que la Syrie - qui se trouve officiellement du côté iranien - est disposée à renoncer à l'influence de Téhéran en échange du plateau du Golan.

En analysant l'histoire antique, on se rend compte que la présence d'Israël au sein d'un club d'anciens ennemis n'est pas une nouvelle donne.
Les royaumes hébraïques ont à plusieurs reprises rejoint les forces de leurs ennemis pour lutter contre les Assyriens ou les Babyloniens.
L'expansionnisme perse n'est pas non plus un fait nouveau.

Mais d'un point de vue juif, l'ancien royaume perse et l'Iran contemporain jouent des rôles diamétralement opposés. En 539 avant l'ère chrétienne, Cyrus le Grand écrivit un décret obligeant tous les Juifs exilés à Babylone à retourner en Judée et à Jérusalem et à reconstruire le Temple.

Aujourd'hui, l'Iran de Khamenei rêve de jeter les Juifs en dehors de Jérusalem.
Tous les regards sont désormais tournés vers les tentatives du président américain Barack Obama de solutionner le dossier irannien par la voie diplomatique.

En attendant, les camps rivaux du Moyen-Orient continuent de s'affronter.