jeudi 12 février 2009

La Kabylie en proie aux enlèvements islamistes. Un business fructueux.



liberté algérie
Par Ishtar

Dans sa dernière édition, le quotidien algérien Liberté fait sa une avec un dossier sur l’une des principales sources de financement actuel des groupes islamistes locaux : les enlèvements avec demande de rançon à la clé. La région de Tizi Ouzou est particulièrement touchée par ce fléau.

« En septembre 2008, avec l’enlèvement d’un riche entrepreneur dans la localité de Mâatkas, Tizi-Ouzou comptait son 34e kidnapping. Le dernier enlèvement remonte au mois de janvier dernier et a eu lieu dans la commune de Aït Yahia. »

Avant d’innover en se recyclant dans les enlèvements en série, le GSPC avait recours au racket, au hold-up et à divers trafics tous plus lucratifs les uns que les autres. Traqué sur ce terrain par les forces de l’ordre, il a rapidement trouvé un autre moyen de récolter de l’argent facilement et sans trop de risques : le rapt avec demande de rançon. Le butin ainsi amassé est ensuite blanchi dans des circuits parallèles avant de financer des attentats ou plus simplement enrichir les familles des terroristes.

« À Boumerdès, des enquêtes ont été menées sur l’enrichissement soudain de certaines familles. Il s’est avéré que presque toutes avaient au moins un proche dans les maquis. »

gspcLe GSPC, qui s’est récemment affilié à El Qaïda dont il représente une branche sévissant au Maghreb, notamment en Algérie où il infeste les maquis de Kabylie, se livre à cette pratique juteuse au grand dam des familles fortunées susceptibles de s’acquitter de rançons au montant faramineux. Les hordes sanguinaires se sont vite spécialisées dans le kidnapping de riches entrepreneurs en vue de récolter facilement et abondamment l’argent nécessaire au financement de nouveaux attentats. Ces enlèvements sont devenus tellement fréquents qu’ils ne surprennent ni n’émeuvent plus outre mesure l’opinion publique en Algérie. Les gens se sont habitués à lire régulièrement dans la presse l’annonce d’un énième kidnapping. Sur toutes les lèvres, c’est la même question qui revient : « Qui sera la prochaine victime ? »




Tu seras serial rapter, mon fils !

Le phénomène des enlèvements est récent mais il a rapidement pris de l’essor. Il s’est abattu comme un fléau sur une région déjà fortement touchée par le terrorisme islamiste. Il a suscité beaucoup de vocations et a même dépassé le domaine du terrorisme pour investir celui du grand banditisme.

« Quand deux civils ont été enlevés, en 2005 dans la wilaya de Tizi-Ouzou, peu de personnes se doutaient que ce phénomène allait prendre une telle ampleur jusqu’à atteindre une cadence de 15 kidnappings par mois, cinq à Boumerdès et dix à Tizi-Ouzou. En se basant sur des cas déclarés aux services de sécurité — car la plupart des familles ne signalent pas les disparitions et préfèrent honorer la rançon — le ministre d’État, ministre de l’Intérieur révèle que 375 personnes ont été kidnappées en 2007. 115 enlèvements sont directement liés au financement des groupes terroristes. Tizi-Ouzou vient en tête de ce sinistre palmarès, suivie par Boumerdès, Tlemcen et Batna, pour un total comptabilisé officiellement de 1,2 milliard de dinars de rançon versé par les familles des victimes durant la même période. »

L’article de Liberté explique comment l’argent de ces rapts est blanchi, essentiellement dans le circuit de l’immobilier et du commerce informel.

« En réalité, le foncier et l’immobilier constituent un créneau privilégié pour le blanchiment d’argent des chefs des groupes armés. Pourquoi le choix de ces secteurs ? Tout simplement parce que les différents acteurs, que sont les notaires, les avocats d’affaires et les agents immobiliers, jouent le jeu en ne déclarant pas systématiquement les transactions et opérations qui leur semblent douteuses, bien que la loi les y oblige.
Les familles des terroristes et des repentis ont aussi une prédilection pour les cafés, les magasins d’habillement, les douches, les librairies spécialisée dans la vente de livres religieux, CD et cassettes de hadiths et de musc ainsi que pour les petits restaurants et l’importation de la banane. »

Des luttes intestines sans merci n’ont pas tardé à voir le jour dans un climat de rivalité chronique et de suspicion ambiante. Les groupes terroristes en sont arrivés à s’entre-déchirer à défaut de s’entendre sur le partage du butin.

« Les rivalités avaient été portées sur la scène publique à Jijel par le procès opposant un ancien membre de l’AIS à des chefs de la même organisation. Il les accusait de manquer à leur promesse de distribution équitable du butin et d’avoir investi l’argent du racket dans l’agriculture et le commerce pour leur propre compte. »



enlèvements algérie

Kidnapping : mode d’emploi.

La méthode est simple et rapporte gros. Des rançons dont le montant varie de 25 à 300 millions de Dinars sont demandées aux familles des victimes. Ces dernières paient le plus souvent ce tribut sitôt la demande de rançon formulée pour ne pas mettre en danger la vie de l’être cher. Celui-ci est généralement rendu aux siens sain et sauf une fois la transaction effectuée.

« Le GSPC a son mode d’emploi. Il agit souvent sur la base d’informations données par l’entourage même de la victime. Mais des fois, il compte sur le hasard. Vu la situation sécuritaire qui a prévalu avant 2008 dans la région, les groupes armés dressaient de faux barrages en toute quiétude sur certains axes routiers en dehors des zones urbaines. Dès qu’ils se trouvaient face à des personnes aisées financièrement, comme les commerçants, les hommes d’affaires ou les industriels, ils les enlevaient. »

Peu de risques et de gros bénéfices.

Les forces de sécurité, prises au dépourvu, se sont retrouvées totalement désemparées face à cette nouvelle forme de terrorisme. Ne pouvant guère compter sur la coopération des familles de victimes qui craignent à juste titre de sanglantes représailles, la police et l’armée sont généralement tenues à l’écart des affaires d’enlèvement jusqu’à leur dénouement. Il ne leur reste alors plus qu’à constater les faits et à répertorier le kidnapping. L’intervention des forces de sécurité dans des opérations de libération d’otages demeure à ce jour exceptionnelle.

« Rarement ces tentatives de kidnapping ont été déjouées. En premier lieu, parce que les parents de l’otage craignent que la mise à contribution des services de sécurité entraîne l’exécution de leur proche et donc ils préfèrent payer automatiquement la somme réclamée, sans même négocier. Ensuite, parce que les groupes armés avaient de nombreux réseaux de soutien non affichés qui leur procuraient des caches sûres, en sus du fait qu’ils étaient fortement avantagés par le relief ardu et escarpé de la région et l’étendue géographique du maquis qui pouvait conduire jusqu’à Jijel. »

Source : Journal LIBERTE
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