jeudi 12 février 2009

Islamisme et antisémitisme : cette gauche qui se couche


Claude DEMELENNE
la libre belgique

En minimisant la montée, en Belgique, de l’islamisme et de l’antisémitisme, une certaine gauche prépare sa défaite. Morale et électorale.

J’ai toujours défendu la cause palestinienne. Mais sans œillères. Ce n’est, hélas, pas le cas d’une partie de la gauche, spécialiste de l’indignation sélective. Cette gauche-là a fermé les yeux, les 31 décembre et 11 janvier derniers, sur les nombreux dérapages islamistes et antisémites qui se sont produits lors des manifestations de soutien à la Palestine. L’horreur des actions de destruction massive menées par l’armée israélienne à Gaza - que j’ai dénoncé - ne justifie pas les silences de certains progressistes.

La plupart des progressistes n’ont rien dit lorsque, le 31 décembre, la déléguée de la Palestine à Bruxelles, Leïla Shahid, a été chahutée par des musulmans réactionnaires, la traitant d’"occidentalisée". Ils n’ont rien dit lorsque, le 11 janvier, des groupes bien encadrés ont donné au grand défilé pro-palestinien, une tonalité trop souvent pro-Hamas et intégriste. Ils n’ont rien dit face aux dizaines de pancartes nazifiant l’étoile de David. Ils n’ont rien dit, pendant des années, lorsque les roquettes du Hamas s’abattaient sur Israël. Ils n’ont rien dit quand l’Iran des "fous de Dieu" instrumentalisait la juste cause palestinienne. Ils n’ont rien dit quand le Hamas, soucieux de créer un vrai Etat islamiste, reléguait dans l’ombre les femmes de Gaza. Ils n’ont rien dit lorsque le Hamas assassinait les opposants palestiniens à sa ligne islamiste. Ils n’ont rien dit lorsque Dieudonné, l’ami de Jean-Marie Le Pen, proférait des injures antisémites contre l’animateur-humoriste, Arthur. Ils ne disent toujours rien quand, aujourd’hui, les spectacles de ce même Arthur sont perturbés par des manifestants anti-israéliens. Ils n’ont pas davantage protesté lorsque, il y a deux semaines, la direction de La Cambre et du Centre international pour la ville, l’architecture et le paysage (CIVA), ont déprogrammé, moins d’un mois avant son inauguration, l’exposition "La Ville blanche, le mouvement moderne à Tel-Aviv". Une véritable censure, apparemment "justifiée" par le soutien à cet exposition, de l’Ambassade d’Israël. La gauche s’est tue dans toutes les langues. La censure à La Cambre ? Un "incident mineur", une "péripétie", a écrit sur son blog l’intellectuel "rouge-vert", Henri Goldman.

Pourquoi ce comportement étonnant d’une partie de la gauche ? Les motivations sont diverses. Il y a, d’une part, l’aveuglement de ceux qui idéalisent tous les combattants palestiniens - y compris ceux du Hamas - face aux "bouchers" israéliens. Il y a, d’autre part, le clientélisme de ceux qui ne sont pas vraiment dupes mais, à l’approche des élections, souhaitent capter le vote de la population d’origine arabo-musulmane. Pour cela, tous les moyens sont bons. A commencer par l’indignation sélective, érigée au rang de sport national par certains leaders de gauche. Ceux-ci n’hésitent pas à diaboliser ceux qui ne marchent pas en rangs serrés derrière eux dans les manifestations. Et tant pis si, au sein de celles-ci, s’agitent un peu trop de drapeaux du Hamas.

La gauche qui renonce à ses valeurs se prépare à une dure défaite, morale et électorale. Cette gauche se couche devant une réalité qui la gêne et qu’elle fait semblant de ne pas voir : la montée, en Belgique, de l’islamisme et de l’antisémitisme. Le simple fait d’écrire cette phrase suffit à être traité d’"islamophobe" par certains intellectuels de gauche. Il est plus que temps de se ressaisir. Il n’est évidemment pas incompatible d’être à la fois pro-palestinien - c’est mon cas - et de s’inquiéter du discours dangereux de certains défenseurs de la cause palestinienne.

Refuser de banaliser le Hamas - une sorte de Vlaams Belang palestinien - devrait être la règle commune à tous les démocrates. Trop d’intellectuels de gauche se contentent de condamner hâtivement le Hamas au détour d’une phrase, puis passent à ce qui constitue leur fond de commerce : la dénonciation unilatérale des crimes de guerre de l’Etat d’Israël. Moralement, cet unilatéralisme n’est pas acceptable. Dénoncer la montée des comportements d’extrême droite en Israël n’implique évidemment pas de minimiser, voire de nier, la montée de ces mêmes comportements d’extrême droite chez certains (pro) palestiniens. Electoralement, la complaisance d’une partie de la gauche par rapport au prosélytisme de certains musulmans anti-progressistes - sous prétexte qu’ils sont pro-palestiniens - pourrait s’avérer contre productive. C’est peu dire, en effet que la base historique de la gauche est désorientée par l’attitude de ses dirigeants qui s’interdisent toute critique du cléricalisme musulman réactionnaire. Faut-il que la gauche soit en plein désarroi idéologique, pour en arriver à un tel contresens : ménager, par clientélisme, des ennemis de la démocratie, voire estimer qu’ils sont, après tout, présentables, puisqu’ils détestent l’ennemi commun, l’Etat d’Israël !

Faible dans sa réplique économique face à la crise du libéralisme, la gauche peine également à débattre sereinement d’autres questions : le soutien à la Palestine justifie-t-il de ménager le Hamas ? Quelle attitude adopter face au cléricalisme musulman ? Son prosélytisme met-il en danger les valeurs de la gauche et de tous les démorates ? Sur ces sujets, la gauche bien-pensante impose son politiquement correct. Ceux qui n’adhèrent pas à la "ligne" sont priés de se taire, sous peine de diabolisation. Il est urgent de soulever cette chape de plomb.