lundi 9 février 2009

Embarrassantes valises



Aymane Taha n'avait qu'une seule valise en arrivant au Caire. A son départ de l'hôtel, il en avait soudain sept, ce qui a intrigué les services de sécurité égyptiens. Qui exigent de connaître la provenance de l'argent qu'elles contenaient
L'Egypte veut des explications sur les 10 millions de dollars que transportait un chef du Hamas sur son territoire

LeMatin.ch


L'Egypte veut une explication du Hamas sur les valises contenant plus de 10 millions de dollars interceptées à la frontière de Rafah, sur fond de lutte sur l'argent de la reconstruction de Gaza. Cette somme a été trouvée jeudi dans les mallettes d'un chef islamiste palestinien.

«Nous voulons savoir d'où vient l'argent, sinon il ne sera pas débloqué», a indiqué un haut responsable égyptien. Cette confiscation, la première depuis la fin de la guerre de Gaza, le 18 janvier, est aussi un signal adressé par l'Egypte au Hamas dans l'ultime phase des négociations indirectes avec Israël pour un accord de trêve. L'argent a été saisi au terminal de Rafah.

Déposé sur un compte
Aymane Taha, un des six membres d'une délégation du Hamas rentrant à Gaza, territoire que le groupe islamiste contrôle, était responsable de ces valises dans lesquelles étaient rangés en liasses 9 millions de dollars et 2 millions d'euros.

«Arrivé au Caire avec une seule valise, il s'était retrouvé porteur au départ de l'hôtel de sept valises. Il n'a pas voulu dire d'où venait l'argent, ce qui est illégal», a dit ce responsable sous couvert d'anonymat.

Les services de sécurité égyptiens ont contraint M. Taha à déposer l'argent sur un compte spécial dans une banque égyptienne, puis l'ont laissé repartir vers Gaza. Attendue aujourd'hui au Caire pour dire l'ultime décision du Hamas sur la trêve, une nouvelle délégation ne devrait pas manquer d'évoquer cette affaire sensible.

Elle est sans précédent depuis le putsch qui a permis au Hamas, en juin 2007, de chasser le Fatah du président palestinien Mahmoud Abbas de la petite enclave où s'entassent 1,5 million de personnes.

Argent iranien
En 2006, deux membres du gouvernement Hamas, Ismail Haniyeh et Mahmoud Zahar, s'étaient déjà vu confisquer, en juin, puis en décembre, quelque 50 millions de dollars qu'ils tentaient de passer dans des valises. M. Haniyeh «avait fini par dire qu'ils venaient des caisses iraniennes, nous l'avions inscrit sur son passeport et avions débloqué les fonds», a affirmé ce haut responsable.

Embargo bancaire
L'Egypte souhaite aussi braquer les projecteurs sur les circuits occultes de financement du Hamas. Avec un quasi-embargo bancaire et l'assèchement de l'aide internationale, le Hamas s'est retrouvé face au casse-tête de devoir payer des milliers de fonctionnaires, ses réseaux d'aide et la contrebande d'armes. Les Etats-Unis et l'Union européenne ont refusé toute aide au Hamas tant que, notamment, il ne reconnaît pas Israël ni ne renonce à la violence.

Allié du Hamas, l'Iran a annoncé prendre le relais, augmentant son emprise à coups de millions de dollars sur le mouvement. Hyperactifs depuis la guerre de Gaza, des groupes «caritatifs» pro-Hamas ont aussi essaimé dans le monde. Depuis le blocus quasi total, ces sommes auraient été transférées via les tunnels creusés sous la frontière, permettant au Hamas de percevoir sa dîme sur les marchandises et d'obtenir des armes, selon les experts.