jeudi 26 février 2009

Des graffitis sur le mur de la synagogue


Denis MacShane, ancien ministre britannique des Affaires européennes, décrit la montée de l’antisémitisme qui accompagne la crise économique

Les crises qui ont périodiquement secoué le monde durant le siècle qui a suivi l’écriture du Capital par Marx ont été marquées par un phénomène commun: la montée de l’antisémitisme politique. Comme le canari est le premier à sentir les émanations de gaz toxiques dans une mine de charbon, les attaques contre les juifs et leur culture sont le signe avant-coureur que quelque chose va vraiment mal.

Le mois dernier, un informaticien de 32 ans, Michael Booksatz, a été passé à tabac dans une rue du nord de Londres par deux hommes masqués qui criaient des slogans palestiniens. Des étudiants juifs de la London School of Economics – qui a compté dans ses rangs de nombreux juifs brillants ayant fui l’Allemagne nazie –­ sont maintenant terrifiés par les insultes anti-juives des étudiants islamistes. Des graffitis tels que «Tuez les juifs» ou «Djihad contre Israël» apparaissent près des synagogues de Londres.

Ces dernières semaines, la police de Londres a recensé quatre fois plus d’attaques anti-juives que d’agressions contre les islamistes. Le respecté Community Security Trust, qui enregistre scrupuleusement les attaques anti-juives, recense autant d’attaques antisémites ­ de nature ­ verbale ou physique durant les premières semaines de 2009 que durant les six premiers mois de 2008.
Publicité

Tandis que le monde entre dans une nouvelle période de crise, l’antisémitisme est de retour. Comme toujours, l’histoire se répète. L’effondrement et la fièvre des marchés évoqués dans le roman d’Emile Zola L’Argent ou la colère populiste contre Wall Street à la fin du XIXe siècle ont alimenté la virulence de politiques antisémites illustrées par l’affaire Dreyfus en France ou la montée au pouvoir à Vienne de politiciens ouvertement antisémites. La Grande Dépression a donné naissance aux pires expressions de l’antisémitisme, à savoir les politiques qui ont conduit à l’Holocauste. Même en Grande-Bretagne, le duc de Wellington était à l’époque à la tête d’une organisation anti-juive secrète dont l’en-tête du papier à lettres était orné des initiales «PJ» pour péril juif.


La crise économique des années 1970 a entraîné en Grande-Bretagne une augmentation marquée des votes pour le Front national, et le parti qui lui a succédé, le BNP, ouvertement antisémite, rencontre actuellement beaucoup de succès au niveau local.

La détresse et la peine causées par les terribles images d’enfants tués lors des combats israéliens contre le Hamas à Gaza ont autorisé les sentiments anti-israéliens à s’exprimer avec davantage de véhémence et de violence qu’ils ne l’avaient jamais été auparavant. Critiquer Israël n’est pas faire preuve d’antisémitisme. Mais tous les antisémites haïssent l’existence d’un Etat juif et, se cachant derrière des termes tels que l’anti-sionisme, laissent s’exprimer de manière de plus en plus vicieuse leur haine des juifs.

En Italie, les rues de Milan sont barbouillées de slogans enjoignant aux Italiens de boycotter les produits juifs – écho au slogan nazi «Kauft Nicht Bei Juden». En Allemagne, les forums des émissions de radio résonnent d’accusations selon lesquelles les banquiers responsables de la crise économique actuelle sont juifs. Les démonstrations anti-juives se répandent à Berlin par le biais d’affiches proclamant «C’était une bonne idée d’utiliser du gaz» ou «Je suis antisémite et c’est bien». Ainsi, tous les juifs sont amenés à se sentir exclus des pays dans lesquels ils sont nés ou des sociétés dans lesquelles ils vivent.
Du Cachemire au Gujarat, des musulmans ont été massacrés dans des parties très éloignées du monde au cours de ce siècle. En Irak et en Afghanistan, les soldats de l’OTAN sont accusés de brutalité, mais les hommes qui ont sur les mains le plus de sang musulman sont les idéologues islamistes. Or, il n’y a pas envers ceux qui ont perpétré ces attaques la même colère que celle qui s’exprime à l’égard d’Israël et des juifs.

N’est-il pas raisonnable de supposer que la raison pour laquelle le monde entier est en colère contre Israël et non contre les autres régimes ou religions qui massacrent des musulmans est que les Israéliens sont juifs? Est-ce que la critique et la colère légitimes envers Israël autorisent la haine des juifs à devenir à nouveau acceptable? Ajoutez une crise économique mondiale au sujet de laquelle il est aisé de pointer du doigt les noms des escrocs et bankster qui se trouvent être juifs, et une nouvelle vague d’antisémitisme prend forme.


Une conférence a réuni à Londres des parlementaires venus de toute l’Europe, dont la Suisse, et du monde pour discuter de ce qui peut être entrepris. Le conservateur Michael Gove a rejoint les ministres travaillistes Hazel Blears et Jim Murphy pour dire qu’il est temps pour les parlements du monde démocratique de lutter contre l’antisémitisme, spécialement contre les attaques des islamistes envers les jeunes juifs sur les campus des universités.

Le pape étreint un négationniste, évêque de Winchester et de Cambridge; des slogans tels que «Hamas, Hamas, les juifs au gaz» sont psalmodiés à Amsterdam.

Les juifs sont encore amenés à penser qu’ils ne sont pas des citoyens à part entière dans leur pays natal parce qu’ils refusent d’accorder au Hamas et au Hezbollah le droit d’user de la terreur envers les civils israéliens. Dans la mine, le canari sent encore une fois que sa vie est en danger.